Est-ce que si les bâtisseurs n'ont rien laissé sur leur passage, ce n'est pas parce que l'écrit est une dimension limitative ?
Je m'explique. Les mots sont tout autant de limites que ce que nous appelons la matière physique. Ils saisissent un flux d'informations, d'émotion qui arrive sous impulsion électrique et n'ont le choix qu'entre tel et tel concept pour se donner à l'autre. C'est un exercice que nous faisons depuis si longtemps que nous n'en mesurons même pas son impact. Mais, rien qu'énoncé ainsi, on mesure, je crois, les limites de l'outils. Suivant les langues, j'ai plus ou moins de mots. Suivant les langues, j'ai, quelques fois, la chance de pouvoir exprimer mes pensées en dessins. Permettant, certainement, un espace d'interprétation plus large, moins limitatif.
C'est exactement comme pour ce que nous voyons. Les choix, la simplification, la conceptualisation, là aussi, a du former, petit à petit, notre œil à simplifier l'expression de ce que cet outils magnifique est capable de recevoir. (Nous traduisons 2000 informations sur les 8 000 000 que nous recevons chaque seconde)
Alors, nous nous extasions que ce que nous observons correspondent si bien à ce que nous avons établi dans nos calculs, modes de vie, etc. La science trouve tout cela simplement extraordinaire ! Mais n'est-pas tout simplement évident ? Les mots, encore une fois, la traduction de cette complexité de flux, d'ondes, de signaux, par quelques concepts souvent assez globaux, ne nous empêchent-ils pas de faire autrement ?
Il faudrait faire l'effort pendant un mois de ne parler que par chant, par exemple. Traduire chaque état, chaque ressenti, par son expression sonore. Alors, au bout d'un certain temps, je suis sûr que nous commencerions à voir les choses d'un œil nouveau. Au sens propre du terme ! Les limites se dissiperaient et peut-être même percevrions-nous, tout ce qui nous entoure, sous forme d'ondes ?
Pour quoi faire, me diriez-vous ? Oui, pour quoi faire... Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui me pousse sans cesse à vouloir voir autrement. Je me dis souvent, moi aussi, que ça ne me mène nulle part. Que c'est une excuse pour ne pas gérer les aléas du quotidien. Au fond, si je suis venu là, je dois faire avec.
Oui, mais si ce monde est le fruit de mon imagination, alors je veux continuer à chercher à le créer plus ressemblant à ce que je souhaiterais qu'il soit ! Et pour cela, il y a une longue route de désapprentissage. Une longue route, souvent solitaire, où l'esprit, tentant de se joindre à l'émotion, ne recule devant aucune contradiction, devant aucun problème même s'il semble insoluble. Il les pointe, les soulève et passe des heures, des jours, des années à tenter de leur donner sens. Un sens propre.
Oui, mais de toute façon, je n'arrive pas à faire autrement. J'ai essayé. De faire taire les questions, de fermer les yeux, d'arrêter ma soif de lectures. De dire : "c'est ainsi" et de m'y tenir. Mais je n'y arrive pas. Immanquablement, je suis rattrapé par ces incessantes remises en question !
De ma fenêtre, je regarde avec affection les uns et les autres. Je m'émerveille devant la force de nos croyances. Quelles qu'elles soient ! Car nulle part ne semble exister de limites, sinon celles que nous nous imposons. Pourquoi un homme arrive-t-il à léviter, pourquoi un cadavre encore malléable, semblant être mort hier, se tient-il ainsi depuis plus de soixante ans, à l'air libre !? Certains êtres ne mangent pas, d'autres meurent de faim. Certaines personnes se réincarnent et le montrent par l'étendue de leurs souvenirs, d'autres se battent avec la mémoire cellulaire de leurs ancêtres. Certains parlent avec Dieu et en font des livres magnifiques, d'autres assurent par somme de calculs la réalité d'un démarrage de l'univers appelé "Big-Bang". Qui a tord, qui a raison ? Et si tout le monde avait raison ! Et si personne n'avait tord !
Alors comment envisager les jours qui viennent ? Comment s'y positionner ? Que chercher ? Que vouloir ? Comment mettre à profit le champs qu'ouvre ces possibilités ? S'agit-il de profiter de cette compréhension pour créer une réalité merveilleuse, mais toujours illusoire ou de lâcher prise, un cran plus loin, et de chercher par delà ces multiples possibles ? Une équation qui renfermerait tout, le tout ?! Insatiable Quête du Graal !
De cela, tout de même, une ou deux leçons.
- Juger quoi que ce soit ne rime à rien. Chaque jugement est un mur qui se dresse entre vous et l'immensité de vos possibles. Encore plus, si ce jugement est explicite. Car alors, il y va de notre honneur, de notre sérieux, de ne pas ciller devant ce que nous avons arrêté. Et nous changeons à chaque seconde !
- Croire au bien et au mal, au bon et au mauvais, au juste et à l'injuste ne fera que vous froisser au dedans. Des êtres meurent pour cela, à chaque instant. Des frères se déchirent. Des amants se crucifient. À quoi bon ? Je ne dis pas qu'on ne doive pas défendre sa réalité jusqu'à la mort, si c'est ce que nous devons faire, mais en sachant qu'elle n'est pas la bonne, la belle, la juste, mais juste la NOTRE. Celle qui nous convient le mieux.
- Il n'y a pas La réalité, mais des réalités : autant de réalités que d'êtres et il s'agit donc d'écouter et de se mettre vraiment en place de l'autre, si l'on veut avoir une chance d'entr'apercevoir une réalité différente de la notre. Personne ne fait rien pour faire du mal. Personne, je vous l'assure. Même si très souvent les conséquences sont désastreuses.
- S'il est envisageable que j'ai "tout choisi" - dans le sens où j'ai voulu croire - alors je peux essayer de vouloir croire à d'autres choses : à ce qui me fait du bien, à ce qui me rassure, à ce qui me fait rêver. Je ne perds rien à essayer. Et si ça continue à tourner comme je ne le souhaite pas, me dire qu'au fond quelque chose en moi le choisit, peut m'aider à traverser l'épreuve et à garder sur elle un regard distancié, donc rendant la douleur moins brûlante.
C'est tout pour aujourd'hui ?
J'ai envie de le croire. ;)
TRÈS BEAU LIVRE LU RÉCEMMENT :
"Conversations avec Dieu" tome 1 et surtout, oui surtout tome 3
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