29 novembre 2010

La grue et le serpent, entre Taiji, Bouddhisme et Physique Quantique

La grue et le serpent, symbole du Taiji Quan

Ok ! C'est vrai que ça fait longtemps que je ne suis pas passé par ici et j'en suis désolé. Depuis Bérénas, début août...

Depuis Bérénas, début août...

Mais est-ce que j'ai croisé "un" metteur en scène depuis ? Pas ou peu, trop peu pour venir relater ses "histoires" ici.

L'envie de départ en créant ce blog, je crois, c'était de donner à entendre ce que traverse quelqu'un qui vit de théâtre dans la France d'aujourd'hui. Rappelez-vous... 2003 et la remise en cause du statut de l'intermittent. Les grèves, les manifestations dans la rue et la prise de contact avec les passants.

A ce moment-là, j'avais été frappé par la méconnaissance de notre corps de métier, par la difficulté de faire comprendre notre quotidien. Loin de tous ces romans et instants de réussite qu'on rencontre parfois quand on accède à une scène, quel était notre réalité quand les projecteurs s'éteignent.

Je voulais aider modestement à rappeler la réalité, celle qu'on cache parce qu'elle rappelle des moments qu'on souhaite oublier quand on a réussi à sortir de là.

Mais aujourd'hui. Aujourd'hui les choses ont quelque peu changé. Bien sûr que toute histoire retranscrite avec un minimum d'honnêteté peut faire avancer la connaissance et la compréhension de chacun. Bien sûr que relater les aberrations qu'on croise dans l'intimité d'un bureau, d'une institution qui se sait à l'abri des médias et qui montre alors son vrai visage devrait être dénoncée.

Mais j'ai vieilli. Pas dans le sens d'un manque d'énergie, mais plutôt dans celui que j'ai fini par accepter que je ne peux pas, seul, faire tout, partout. Alors, après presque 36 ans d'éparpillement, je me rassemble avec moi, je me recentre sur mon quotidien, ici, sur la terre et je reprends l'apprentissage des notions de base qui me font tant défaut.

Dans ce moment de vie, je n'ai pas la place pour investir des espaces virtuels. Même s'ils nous connectent avec des êtres qui eux sont réels. C'est vrai que du coup, j'échange moins, mais peut-être mieux. Et je soigne chaque moment de ma vie avec une attention chaque jour plus réelle. C'est un moment, ce moment.

Je reviendrai ici. Je reviendrai au théâtre. Où plutôt la vie m'y ramènera. Elle choisira le moment. En attendant, je me construis avec ceux qui m'entourent. Je fais du Taiji Quan, je fais de la flûte de Nô, je lis, je médite, je m'intéresse à la physique, à tout ce qui nous entoure : les autres. Et puis, je tente de gagner ma vie, correctement.

Voilà.

Antoine et qui veut. Ici, c'est le journal d'un homme de théâtre. Vous qui l'êtes ou le devenez ou voulez le devenir ou avez des choses à partager sur, je vous ouvre cet espace. Envoyez-moi vos articles par mail et je les mettrai en ligne, ici. Voilà qui assurera la continuité ;-).

A très vite.


P.S. quelques liens intéressants :




13 août 2010

Domaine Bérénas, entre Impatiens et Chopin

Je sais... depuis le Japon, le fil de ces pages ressemble à une mer d'huile ou, plus encore, à une chambre abandonnée à la poussière et au silence.

Ce journal n'est pas un quotidien, il n'est qu'une somme d'instants, de moments à partager ou que le temps m'octroie... des parenthèses. Ce n'est pas que le fil se brise. Ce n'est pas les projets qui manquent ou que les actes se font rares, c'est juste que cette petite chambre sous les toits où je peux m'isoler de temps à autre me rencontre moins souvent.

Là, je suis en vacances ! Quelques jours...

Domaine Bérénas aux portes de Clermont l'Eraut où je suis venu prêter ma voix pour dire quelques textes de Chopin à l'occasion d'un concert lecture imaginé et joué (au piano) par Magali Lauron pour le 6ème Festival de "Concerts dans le Chai".

Enfin, “hors les murs”... dans ce doux état d'apesanteur qui permet les rencontres et le relâchement. Et j'en profite. Pleinement, j'en profite.

Histoires de vin, de bonne cuisine, de femmes et d'hommes, de terre, de vie ! Une suspension dans l'espace-temps où les heures s'égrènent autour de tablées de quinze personnes qui n'en finissent pas, où l'on se couche au levé du soleil et l'on s'endort la tête emportée dans des cercles éliptiques et joyeux, plein de visages, plein de paysages, de bruits de rires et de verres qui tintent. Et l'on ne se lève pas ! On émerge. Au début de l'après midi. Sur la place du marché où l'on boit des cafés, avant de se laisser, à nouveau, emporter par ce si délicieux et enivrant cycle.

Mais si j'ai eu envie d'écrire aujourd'hui (mis à part que le souffle s'y prête), c'est pour parler de ce moment “Chopin”.



Rencontre avec un homme qui se sentait “inutile” ou plutôt qui, sans arrêt, sans relâche, reposait cette question : “que suis-je venu faire là ?!”

C'est une question qui se pose souvent pour tous ceux qui, un jour, quittent le sentier et regardent ceux qui font tourner le monde la bouche ouverte, les bras ballants comme on voit passer un immense train de marchandise qui ne s'arrêterait jamais. On voit, par les fenêtres, les gens qui s'affairent, on devine des discussions... mais quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, on ne pourra jamais remonter ! Quelque chose à un instant s'est déréglé, s'est arrêté et la seconde d'après nous étions là, dehors ! Devenus spectateurs !

Et même si de là où nous sommes, nous pouvons tout remettre en question - nous le devons ! - il n'empêche que pas un jour nous ne subissons, avec une justesse cuisante, cette sensation d'être “inutile”, dans le mauvais endroit. A l'endroit où l'on ne sert à rien ! Puisque nous sommes incapables de faire tourner le monde, de construire une maison, d'élever une vache et de la tuer quand l'heure arrive, de semer une graine pour nourrir nos enfants, nous sommes ces “inutiles”. “Inutiles” qui, du coup, ont le devoir de faire que les rails, l'environnement, ce qui n'existe pas dedans, mène l'homme sur la bonne route, l'empêche de pousser son train au point de rupture. En créant des paysages toujours plus singuliers pour qu'il ralentisse, s'octroie une pause, tende ses yeux vers l'horizon, ouvre la fenêtre...

A chaque crime, à chaque bavure, à chaque oubli, nous les “inutiles” sommes les responsables ! A chaque mot perdu, à chaque geste machinal, à chaque télévision qui s'allume, nous sommes les responsables.

Et le moment, le présent nous montre vraiment sous notre plus triste jour ! Peut-être parce que beaucoup d'entre nous ont perdu cette sensation terrible d'être “inutiles” ? Chopin l'avait ! Victor Hugo aussi !

A vouloir faire croire que tout le monde pouvait être artiste, à vouloir faire entrer dans le train ce qui appartient au dehors, à vouloir grimer les rebuts en hommes et les hommes en rebuts, nous avons préféré peindre des rideaux approximativement que d'affronter la grande fresque de couleurs de ceux qui sont restés dehors, leurs sons, leur chant de sirène... et nous perdons ce bien si précieux et fuyant qu'est notre humanité.

Je me disais hier... il n'est pas de plus grand crime que la négligence ! A chaque fois que nous faisons semblant de pas voir, à chaque fois que nous nous laissons aller à ne pas réparer la petite chose que nous avons déréglée, pour échapper au travail que cela représente, nous tuons un ou deux êtres sur cette terre. Oui, là, maintenant. C'est l'effet papillon. Peut-être plus facilement percevable par la toile qui nous offre de quoi mesurer les effets de nos actes.

Par notre posture, par la puissance cuisante de notre “inutilité”, nous avons pour devoir d'être toujours prêts, aigus, acerbes. Si nous ne sommes pas ça, qui ramassera le morceau de papier tombé par la fenêtre du train et qui, s'il tombe sous l'oeil du spectateur, discrédite notre ouvrage, immanquablement. Et qui sommes-nous si nous ne représentons pas la rigueur du guerrier, la pureté enfantine, l'ascèse du moine ?! Rien, hélas !

Pauvre Chopin ! Grand Chopin !
(message commencé le 04 août et fini ce matin... Lien vers le Domaine Bérénas et son festival en cliquant sur le titre)

24 juin 2010

Atelier Haiku au Festival du Printemps du Japon 2010

Dans la cour des Beaux Arts, juste en face du Théâtre Nô, Voyage dans une autre dimension...

Très en retard, puisque l'atelier était le 20 juin et que nous sommes quelque chose comme le 24 juillet, je reviens sur cet atelier "découverte du Haiku" que j'ai animé pour la 7eme édition du Printemps du Japon en Pays d'Aix.

Cela se passait au Théâtre Nô bien entendu, ce petit jardin japonais qui ouvre un espace-temps d'un autre monde, d'un autre temps, propice à l'échange, à l'humanité qui sommeille en chacun de nous, si souvent bousculée, froissée et qui retrouve ici, la place de s'étendre, de se révéler et de vibrer.

C'était un moment assez magique et les rencontres furent belles.

A la recherche de l'instant...

Comme je ne suis nullement un grand "Haikiste" (cf mes tristes essais lors de mon voyage au Japon ;-)), le propos était plutôt d'essayer de rencontrer l'état propice à l'écriture du haiku, la disponibilité à l'instant présent (Tiens, tiens... mais on dirait du théâtre ça, non ?!).

Après quelques explications de base (règles à suivre, et surtout à enfreindre et transgresser! 5/7/5 mores, kigo,mot de saison qu'on est censé trouvé dans les haiku : cf almanach des saisons appelé Saijiki)et un tour du Théâtre Nô, l'atelier commençait par un exercice découvert au Théâtre du Soleil avec Françoise Berge et développé sans cesse depuis : "Signer le Haiku".

Signer le Haiku, ce n'est pas apposer sa signature en bas d'un haiku non ! (Quoique..) C'est dessiner avec son haut du corps (bras, tête, mains... les jambes sont croisées et servent de socle) le haiku sans préméditer, mais en laissant les mots, les images s'écrire dans l'espace, véhiculés par la voix et les gestes, comme un calligraphe qui se laisse traverser par les signes et nous offre la trace de cet instant.

Ensuite, nous avons appliqué un exercice découvert sur le site de l'Association Française de Haiku et proposé par Jean Antonini qu'il appelle Haiku Horizontauxou Détails profonds. Ce sont des phrases courtes, très simples où l'on essaye de laisser ensemble corps/sens et âme/esprit, ce qui, dans notre culture occidentale est l'inverse de ce que nous apprenons à faire.

Puis, après cette première phase d'écriture, déjà assez riche -l'exercice "Signer le Haiku", la présence sur le plateau du Théâtre Nô, le cadre, l'échange, tout cela aidant à "laisser la tête au vestiaire" comme dirait l'autre- il fut question de "voyager en aveugle".

Sur le site du Théâtre Nô et des Beaux Arts d'Aix-en-Provence, deux par deux : un guide, un aveugle, ils ont fait un voyage dans un pays si loin et si proche, où les sens privés du regard, appréhendent l'environnement de façon différente, déroutante et, pour le coup, réellement concrète.

Au sortir de ce voyage qui devait durer entre 15 et 25 minutes, les aveugles avaient pour consigne de murmurer à l'oreille de leur guide, des Haiku Horizontaux nés de ces voyages (Bashô était un grand voyageur et c'est en voyage qu'il a écrit ses plus beaux haiku).

Enfin, chacun, reprenait l'écriture de ces Haiku Horizontaux à tête reposé...

Et franchement ce moment fut vraiment délicieux et semble avoir rempli son office d'"ouvreur d'appétit". A croire que parfois l'on mène de longs et difficiles combats juste pour pouvoir vivre des instants comme celui çi.

Merci à tous pour cela.

Quelques mots des personnes qui ont partagé cet Instant Haiku au Théâtre Nô d'Aix en Provence, ce dimanche 20 juin 2010.


• ANNE :

voici les 2 écrits à la fin de l'atelier :

à la découverte de ce monde
nous marchons ensemble
je suis là pour toi

aveugle dans le vent
fait-il froid pareil ?
marchons vite !

et celui qui est venu en partant ce midi sur mon vélo à travers les petites rues de la ville... impression de liberté et d'espace intérieur après l'atelier...

mon vélo et moi
pédalant cheveux au vent
je touche le ciel !


merci pour cette porte ouverte, le haïku me semble si proche et si ludique maintenant... laisser jaillir en moi la sensation pour goûter encore plus la musique de ces mots... voilà que je découvre que le haïku est aussi un chemin vers moi ! une façon de plus de s'entourer de beauté et de transformer son regard sur ce qu'on voit, ce qu'on vit... domo aligato !

• GUYLAINE :

Merci pour les connaissances que tu transmets, ton écoute, ta gentillesse et ta manière ZEN d'être...
Bravo à Toi et à la Maison du Japon pour l'organisation de ces temps de partage.
A bientôt !

Le plus grand cadeau qui soit
Il porte bien son nom
C'est le Présent que nous nous offrons.


• DANIELLE

Un grand merci pour l'atelier d'hier !!

Sortir soudainement de l'anonymat et, faire tout à coup,ce qu'on croyait ne pas savoir ou ne pas pouvoir faire !! Quelle expérience !!

Je suis "tombée" il y a peu de temps , dans l'encre de la peinture chinoise ....

Je sens que je vais "m'élever " avec les haïkus !!

Et, pour finir, les Haiku Horizontaux écrits pendant l'atelier :

Les yeux fermés ,
comme une aveugle ,
j'ai tout découvert.

En toute sécurité,j'ai avancé .

La tête dans les branches , l'arbre est venu à moi .

J'ai ressenti l'ombre et la lumière,
c'est étonnant !

D'une oreille attentive ,j'ai écouté les chanteurs .

Sous mes pieds ,
ça montait , ça descendait ,
c'était souple , dur ou graveleux ;
comme le chemin était varié !

• PATRICIA :

Voilà quelques phrases dans le vent, suite aux quelques instants dans le noir...

mes yeux bien fermés - le vent cherche à les ouvrir

mes fesses chaudes sur la chaise froide

un chant dans le vent - un sourire sous les feuilles - une porte claque

mes pieds contre les racines - où sont les miennes ?

Et cet haiku, que j'ai écrit après le café qui nous a réchauffé

un café trop chaud
la buée sur mes lunettes
haiku si flou !

Je te remercie encore pour ton regard sur le monde.
Amicalement

• MARIE MADELEINE :

Le vent glacial du jour
Le corps qui se mit à lutter
Le rencontre chaleureuse

J'ai profondément vécu ce moment qui m'a permis de rencontrer sous
une autre forme la joie d'être et m'a donné la possibilité de regarder autrement
le monde. Ressentir le monde à partir de mon centre.
Depuis ce jour je n'ai qu'une envie, renouveler cette recherche

et intensifier la joie.

Je te fais parvenir les haïkus de ce jour là

Le murmure du vent
Les pieds sur le sable

Les pas sur le sol
Les racines dans la terre

La force de la pierre
La main légère

Un regard
Une ombre
Une lumière

La lumière sourde
De ce matin de juillet
Rencontre mon regard

Un léger vent souffle
Ecoute le silence
Une coccinelle marche sur le mur

Bien cordialement

A suivre... si d'autres Haikistes de ce jour ont envie de donner leur ressenti et les quelques mots glanés ce jour là. ;-)

12 juin 2010

Résidence Evil 2, le retour


Quelques mois de silence...


Nous sommes à l'orée de l'été et voilà que j'ai droit à quelques jours à moi, ailleurs, là où depuis quelques temps je retrouve les mots. Seront-ils toujours là ? Aurais-je la discipline nécessaire ?


J'ai débarqué mes malles de fatigue, mes livres et mes ordi, un piano droit pour les fins de soirée, quelques habits, deux paire de tabis.


Pourquoi des tabis ? Pour entrer dans cet autre moi, celui qui sait que sans plantes de pieds immaculées, les mots enfouis ne pourront être extirpés de leur secret. Et puis, parce que sans cet effort, sans une distance, un décalage, rien n'est possible vraiment.


En attendant ce rendez-vous pris pour demain matin, je nettoie et lave. La maison, la chambre, le cocon où je vais m'enfermer pour me laisser mourir, pour me laisser renaître. Comme un couteau qu'on aiguise, comme un rite qu'on prépare minutieusement, pas à pas. Pour être prêt. Au goût du sang qui revient sous la langue de l'enfance. A la perte des filtres de tous les jours qui deviennent inopérants. Au vertige qui s'accélère en boucle et hurle de plus en plus fort, de plus en plus vite. A la douleur ! Vive comme si des nerfs atrophiés se régénéraient. Comme ce loup garou qui s'attache solidement avant que la lune sorte pleine de derrière les nuages.


Parce qu'après il sera trop tard.

14 janvier 2010

Collection de masques de Erhard Stiefel au Théâtre Garonne à Toulouse


Si vous avez raté l'expo, il y a ce petit film montré aux infos sur France 3. C'est très succin, mais ça permet de voir quelques masques magnifiques.

"Spécialiste du théâtre japonais, Erhard Stiefel est surtout un facteur de masques renommé, qu’il collectionne par ailleurs depuis des années. Pour la première fois, il s’est laissé convaincre de présenter cette fantastique collection.

"Ma collection de masques s’est faite toute naturellement, par nécessité pour comprendre et pour me guider dans mes recherches sur le masque de théâtre. Pendant des années, ces témoignages souvent abîmés et abandonnés ont nourri quotidiennement mes créations. Avec une exposition, je voudrais montrer l’essentiel de l’art du masque de théâtre, et montrer certains liens entre les différentes cultures et systèmes de masque. Je me suis aperçu que le masque en général, surtout en occident, est très méconnu et qu’une grande confusion s’installe de plus en plus à son sujet. Alors, je me suis laissé persuader d’exposer ma collection, pour que l’art du masque de théâtre vive."

Erhard Stiefel"


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