L'arrivée à Kyôto s'est faite de nuit... et oui ! ici la nuit tombe entre 19 et 19h30. Au moment où j'ai levé mon nez de l'ordi, le ciel déjà sombre des nuages bas et menaçants à vite viré au noir. Heureusement, j'ai quand même eu le temps de voir quelques rizières et ces bandes de paysage toutes vertes. Incroyable spectacle !
Kyôto est brûlant. C'est à peine si je réussi à respirer en sortant de la station n°6 de la première ligne, à savoir “Imadegawa”. C'est comme cela que j'imaginais la Corée ou le Vietnam, mais certainement pas Kyôto. Je file au plus vite de mes pas, ralentis par la grosse valise et l'air moite et tombe nez à nez avec Rebecca qui m'attend depuis quelques instants devant la pension “Takaya”. C'est une vieille dame aux cheveux gris et au bel anglais. Elle m'accompagne jusqu'à ma chambre où je découvre la dame qui tient cette auberge. Elle me fait faire un rapide tour du propriétaire et nous laisse en tête à tête avec Rebecca. Cette dernière m'explique un peu notre programme, me donne quelques prospectus et s'échappe sur son vélo. Avant de partir elle me donne rendez-vous le lendemain au Keikoba, la salle de travail de Maître Udaka, à 18 heures. D'ici là, il me faut trouver de quoi manger, un web bar et réparer ce voyage par une bonne nuit de sommeil.
Il est 11 heures ce matin quand j'ouvre les yeux. Une douche, un rapide café (j'ai eu le temps la veille, avant de rentrer me coucher, de passer par un de ces supermarchés ouverts 24h/24. Un classique ici ! Le web bar aussi, c'est un 24/24 comme beaucoup d'autres choses... Je récupère ma bicyclette (qui fait partie de la location de la chambre) et file droit à la “Kyôto Station” pour y récupérer tous les plans et infos dont je vais avoir besoin pendant mon séjour. Je pensais être à dix minutes de vélo, mais je pédale pendant des heures (une sensation... je pense plutôt une grosse demie-heure). Arrivé à la Kyôto Station, je monte au 9eme floor, s'il vous plaît, et interroge les filles du Bureau International de la Préfecture de Kyôto. Sur Zeami et Kanami, elles ne savent rien ! Mais par contre, elles enrichissent mes poches d'un plan de la ville en romagi, d'un plan des bus et de quelques autres bricoles que je pioche au passage. Je découvre le Kyôto Art Center qui fait un stage de 8 jours sur le théâtre traditionnel japonais et semble aussi accueillir des artistes en résidence. Une fois repéré sur le plan, je file là-bas en vélo. Mais je ne trouve personne sur place pour me renseigner. Qu'importe ! J'en profite pour faire un tour dans leur jardin et découvre dans les rues adjacentes les préparatifs d'une fête dont Rebecca m'a parlé : La Gion Matsuri. Une sorte de fête où des chars de différents quartiers défilent. Ca, ce sera pour mercredi et jeudi. En attendant, ils préparent. Fanions, lampions, constructions en bois qui prennent toute la place dans les petites rues du Gion. C'est assez magique. Il y a un monde fou. Je me faufile avec mon vélo, prend quelques photos.
Comme les filles n'ont pu me renseoigner sur Zeami et que la seule info que j'ai réussi à glaner est qu'ils sauront peut-être me répondre au Kanze Kaikan, je décide d'aller y faire un tour. Mais il y a tellement de rues ici que le plan ne trouve pas nécessaire de les donner toutes. Du coup, je cherche le Kanze Kaikan pendant un long moment. “Ah ! C'est ici ! Comme c'est beau. Un temple en ruine presque...”. “Le Kanze Kaikan ? AH non, monsieur ! C'est trois rues plus loin.” Bref ! Au final, j'arrive à le trouver et... déception ! Ce n'est qu'un théâtre moderne et fermé de surcroît ! Certainement aucun lien avec Zeami, ni Kanami. Par contre dans l'endroit visité par mégarde, je suis sûr d'avoir senti quelque chose. Mais il est tard. Je n'ai pas encore mangé et j'ai rendez-vous à l'autre bout de la ville. Alors j'entre dans un supermarché, je m'achète... à boire ! et je vais m'étendre derrière le Kanze Kaikan. Là il y a une petite rivière qui passe entre des maisons. C'est un endroit très calme, propice à la méditation et au recueillement. Je traverse un tout petit pont et m'installe pour regarder les rides sur l'eau. Une dame d'un certain âge descend dans l'eau avec des bottes en caoutchouc malgré la chaleur. Elle tient son tout petit chien dans les bras. Une fois au fond -la rivière lui monte jusqu'aux mollets- elle dépose son chien dans l'eau et sort une balle rouge de sa poche. Et voilà le chien faisant des allés retours entre sa maîtresse et la balle en nageant. C'est une façon très malicieuse et savoureuse de se rafraîchir. Moi j'en profite pour essayer de faire un petit haiku du moment. “C'est quoi déjà 7/5/7 ?”' Ca fait chi... suer ouais ! Est-ce qu'on ne peut pas se laisser aller si c'est pour essayer de laisser une vraie empreinte de l'instant, pas trop recherchée, pas trop travaillée, mais juste vraie ? Ca donne :
C'est une femme ou une statue
qui joue avec son chien
Les pieds dans la rivière ?
Le tintement de la cloche
le “glouglou” d'une rivière
Serait-ce un rêve ?
Balle rouge, Museau brun
Un chien se questionne
La mère ou la rivière ?
Un temple en réfection. Toute une structure métallique autour du style d'un hypermarché chez nous... incroyable !
Après je file ! Je passe par l'appartement, prends une douche, m'achète un café glacé devant l'entrée (au distributeur de boissons - 100 yens, la boisson. Niarf ! Niarf !) et prends le métro pour ne pas être en retard. J'arrive à l'heure dans cette salle de travail ou le sol porte en son centre la reproduction du carré d'un butai. C'est une vieille maison à la devanture traditionnelle. Ici, il y a tous les masques de Maître Udaka, ses costumes, ses livres avec ses annotations. Rebecca m'explique que ces notes dans les marges des livres sont le fruit de toute sa vie. De l'époque de son enseignement avec la transmission de son maître et de son expérience personnelle ensuite. Un vrai trésor. Maître Udaka l'a appelée pour qu'elle me montre ses masques. Il en a une armoire pleine. Rebecca me les sort, les uns après les autres. Elle me re-raconte l'histoire de Magojiro - Maître Udaka a un masque magnifique de Magojiro, une pure merveille - mais m'apprend que Magojiro est un masque Kongo. Il a été créé par les maîtres de masques qui travaillaient avec les Kongo. Wouah ! Alors, c'est normal que mon maître soit un Kongo ! Je pense à Magojiro, le premier. Celui que Erhard Stiefel m'a la première fois permis de porter et qui a fait tout ce bordel, ensuite celui qui est chez moi et celui-ci, le Kongo, la source de tout cela. On ne sait jamais... si Erhard ne m'avait pas raconté cette magnifique histoire, ni montré et permis de porter ce masque, peut-être aujourd'hui tout serait différent. C'est avec cela que je pars de là-bas. Cela et une autre rencontre incroyable que j'ai faite en chemin. La rencontre d'un dragon ! Un magnifique dragon cracheur d'eau purificatrice dans la cour du temple Higashi - Hongangi qu'ils sont en train de refaire complètement - il faut voir la structure qu'ils ont monté au dessus du temple pour le réparer... c'est colossal !. Au moment où j'ai puisé l'eau et lavé mes mains, un frisson m'a traversé et est apparu un homme. Un homme habillé d'une drôle de façon qui m'a fait signe. “Venez ! Venez ! “ Je m'exécute ! Je sais que c'est le dragon qui l'envoie, alors j'y vais les yeux fermés. Il se présente avec sa peau tannée et ses habits défraîchis, c'est un poète ! OUah ! Un poète japonais ayant grandi en Californie et qui a tout quitté pour écrire. Il vit de petits poèmes qu'il vend aux passants et se promène de par le monde. Parfois, il s'arrête un petit moment et écrit des romans - il en avait plein une petite pochette qu'il portait au côté droit, des liasses et des liasses de feuilles défraîchis - mais il vit sur la route. Il vient d'arriver à Kyôto et me parle longuement de Hiroshima où il vient de passer un moment. Nous resterons bien une heure à parler de tout, de rien. Moi à écouter ses poèmes en anglais, à regarder ses dessins et à lui apprendre quelques mots de français qu'ils notent dans un carnet pour écrire des haikus en français. “Les français aiment la culture ! Les français achèteraient mes poèmes ! Les japonais sont durs et froids ! Oui, très froids !”. Il s'appelle Hideo Asano.
Je vous livre un des haïkus que je lui ai acheté :
Les oiseaux volent vers leurs nids
Sais-tu où tu vas ?
Des années lumières pour rentrer chez moi.
Hideo Asano
un autre...
Tiring long journey
Not made alone but along
With a small spider
Hideo Asano
Il avait avec lui un vieux livre tout corné de Ernest Hemingway, un autre grand voyageur.
Merci Dragon !
Il est 23:39... je déconnecte ! Une heure de web bar 450 yens ! A demain... Tweet
Super... mon ainé aimé.
RépondreSupprimerune mère somewhere
un fils sur son fil
voyage des mots pour faire liens
Bonjour,
RépondreSupprimerj'ai aussi rencontré Hideo Asano, rencontre brève, fulgurante en mai 2009 à Tokyo, je lui ai acheté ses haikus en français, quel hasard!
Alors ça si on m'avait dit qu'un jour j'aurais un commentaire de quelqu'un, un français de surcroît, avait rencontré et acheté des haiku de Hideo... jamais je ne l'aurais cru ! En même temps, ça me fait vraiment plaisir de pouvoir penser à lui presque un an après grâce à quelque un que je ne connais pas. Mille mercis !
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